Après trois années de démarches et de partenariat avec l’INRAE et le Cirad de San Giuliano en Corse, 7 nouvelles espèces d’agrumes ont été introduites par l’IAC sur le territoire et sont en cours d’évaluation dans les pépinières de l’IAC, à Pocquereux, afin d’évaluer leur potentiel pour le marché calédonien.
Le citron caviar, le cédrat main de Bouddha, le pamplemousse de Tahiti, l’orange rayée du Brésil, la lime douce sucrée, la lime de Palestine et la mandarine Tangelo Lebon feront bientôt partie, nous l’espérons, du paysage agricole calédonien et offriront dans quelques années de nouvelles opportunités aux professionnels pour diversifier les productions, tout en régalant les papilles des consommateurs. « Pour l’heure, nous réalisons toutes les évaluations nécessaires, afin de mieux connaître ce nouveau matériel génétique. Grâce à nos installations de recherche agronomique à Pocquereux, telles que nos serres, notre verger expérimental de 13 ha et nos laboratoires, nous pouvons faire, de la graine jusqu’aux productions fruitières, toutes les évaluations agronomiques de croissance et d’adaptation de ces espèces au climat et au sol calédonien, puis fournir aux professionnels les données nécessaires à un déploiement à plus grande échelle sur tout le territoire » explique Stéphane Lebégin, ingénieur agronome qui a suivi ce projet.
Une rigueur absolue
Une dizaine de greffons de chaque agrume est arrivé par avion en 2022 du Centre de Corse, avec qui l’IAC entretient un partenariat privilégié depuis de nombreuses années. Avec 1 200 espèces ou variétés différentes, le centre de Corse détient l’une des plus grandes collections d’agrumes au monde. « De notre côté, à l’IAC, nous entretenons et enrichissons l’une des plus grandes collections de fruitiers du Pacifique. Nous sommes également le seul établissement habilité, en partenariat avec le Gouvernement, à introduire sur le territoire de nouveaux plants d’agrumes, en raison des normes drastiques de biosécurité aux frontières » précise Laurent L’Huillier, directeur général de l’IAC. En effet, les plantes, même si elles paraissent indemnes à l’œil nu, peuvent être porteuses de pathogènes et d’anomalies génétiques, potentiellement dévastatrices pour toute la filière fruitière. Les procédures d’importation et de connaissance de la qualité du matériel génétique, que l’IAC maîtrise en tous points, sont longues et minutieuses, mais garantissent l’introduction sur le Caillou de plants sains, indemnes de toute maladie et conformes génétiquement. Après une année de confinement dans les serres de l’IAC, et une acclimatation réussie, les plants vont bientôt être plantées dans des parcelles du verger de l’IAC et produire leurs premiers fruits.
Un enjeu primordial pour la Calédonie
L’introduction de nouveaux fruitiers sur le territoire présente plusieurs intérêts. Le marché calédonien étant de petite taille, l’IAC opère les choix les plus judicieux possible. Nous effectuons depuis 35 ans une veille scientifique et bibliographique sur les variétés qui ont le meilleur potentiel pour le marché local. « Nos critères s’appuient par exemple sur les demandes répétées des producteurs, les qualités intrinsèques des variétés, le potentiel pour l’adaptation aux conditions locale, le potentiel pour l’export et la transformation. En étudiant le comportement des espèces in situ (sol, climat) selon des protocoles internationaux précis, nos équipes scientifiques et techniques répondent à une forte attente sociétale, à savoir diversifier l’offre, améliorer les revenus des agriculteurs, contribuer à l’autosuffisance alimentaire et étaler la production fruitière sur toute l’année » ajoute Stéphane Lebégin.
3 à 5 ans d’évaluation
La procédure d’introduction de nouveaux matériels génétiques sur le territoire est toujours la même. Une fois arrivé à la station de Pocquereux, le matériel est placé pendant trois mois en confinement sous serre, puis quelques mois en pépinière, puis cultivé sur des parcelles dédiées à des variétés spécifiques. Il faut alors attendre les premières productions de fruits pour vérifier si le matériel génétique introduit répond aux attentes gustatives, économiques, sanitaires et génétique. Ainsi, il faut compter entre trois et cinq ans entre l’introduction d’une espèce dans l’archipel et sa mise à disposition des pépiniéristes et des professionnels.
Garantir la qualité
Ce délai peut parfois paraître long, notamment pour les professionnels en quête de nouveaux débouchés, mais ces protocoles rigoureux réduisent considérablement le risque de nouvelles calamités agricoles pour le territoire, tant que la Nouvelle-Calédonie ne dispose pas de quarantaine végétale. En effet, certaines maladies sévissent non loin, dans plusieurs archipels de la région Pacifique. Le Huanglongbing (HLB), ou maladie du dragon jaune, cause en particulier des dégâts considérables sur la production d’agrumes. « Il faut à tout prix éviter de l’introduire sur le Caillou, sous peine de mettre à plat la filière. C’est pourquoi la règlementation et la biosécurité en matière d’importation des végétaux est stricte et qu’il est important de les respecter » insiste Laurent L’Huillier. Ces mesures drastiques préservent également notre patrimoine endémique, reconnu mondialement comme exceptionnel.
Vers de nouveaux marchés inédits
L’archipel abrite notamment un citrus endémique, l’Oxanthera neocaledonica qui a un potentiel agronomique exceptionnel. Il pousse dans des endroits très arides – en forêt sèche, sur maquis serpentineux. Il est donc naturellement adapté au climat aride, et dans un contexte de réchauffement climatique et de tropicalisation des régions tempérées, il laisse entrevoir des voies de développement inédites. Utilisé comme porte-greffe tolérant au stress hydrique ou comme variété d’intérêt que nous pourrions certifier, cet agrume endémique ouvrirait, s’il était exporté et utilisé localement, de nouveaux marchés économiques basés sur l’innovation agronomique. Une opportunité à saisir - et préparer dès maintenant - dans un contexte où l’adaptation au changement climatique devient, à l’instar du marché carbone, une nouvelle filière économique. Des parfumeurs se sont également montrés intéressés par les arômes uniques d’Oxanthera. L’IAC étudie ce citrus exceptionnel depuis près de 20 ans. « Nous pourrions, en raison de notre longueur d’avance et avec le soutien de la puissance publique, devenir un leader mondial de la connaissance sur l’adaptation des fruitiers au changement climatique » conclut le directeur.